17 mai 2019 / Par Ahsan Upal, P.Eng. PMP - Burns & McDonnell

La transformation numérique pour les services publics

La transformation numérique est présente un peu partout autour de nous, qu’il s’agisse de déposer un chèque par téléphone, de demander à Alexa d’éteindre les lumières dans une pièce ou des appareils de cuisine intelligents qui surveillent la cuisson, et ce, au moyen d’une connexion Bluetooth. L’utilisation de capteurs à distance et d’outils d’analyse pour recueillir des données et obtenir des renseignements précieux sur les clients, les actifs et les fournisseurs nous a donné l’occasion d’innover en matière de services et d’approches utilisées pour faire des affaires. Généralement classée dans la catégorie du numérique, cette avancée technologique donne à une organisation une meilleure visibilité sur ses opérations et plus de contrôle sur les résultats, ce qui lui permet d’économiser beaucoup de temps et d’efforts tout en réduisant les erreurs humaines et en améliorant l’expérience client générale ainsi que la qualité du service. Existe-t-il une analyse de rentabilisation en faveur d’une transformation numérique pour les services publics qui exploitent un vaste réseau d’actifs et fournissent des services essentiels à de nombreux clients? Au moment où les applications numériques sont appelées à se généraliser, il devient vital pour les services publics d’avoir une stratégie numérique pour gérer efficacement leurs réseaux et leurs services de plus en plus complexes.

Du fait de la prolifération des technologies de pointe telles que les capteurs de télédétection, l’analyse des données, l’automatisation et les véhicules aériens sans pilote (UAV), les services publics ont la possibilité d’évaluer comment ils planifient, construisent, exploitent et entretiennent leurs actifs et comment ils servent leurs clients. Par exemple, l’automatisation des tâches répétitives, des conceptions courantes, des activités d’inspection et d’entretien et l’utilisation de super-ordinateurs pour prédire quand et où la prochaine panne est susceptible de se produire et quand elle sera rétablie permettraient non seulement de réduire les coûts, mais aussi d’améliorer la qualité du service, la fiabilité et la fidélisation de la clientèle.

L’idée d’une transformation peut être intimidante pour la plupart des organisations qui ne savent pas par où commencer. C’est particulièrement vrai pour les services publics qui, de par la nature de leurs activités, doivent être très prudents et avancer à petits pas. Pour les services publics, la transformation numérique doit commencer en pensant aux clients, car ce sont eux qu’ils doivent finalement servir et satisfaire. Les clients veulent de l’électricité accessible, fiable, sûre, peu polluante et offerte à un prix abordable, ainsi que la possibilité d’accéder rapidement aux détails de leur compte comme l’historique de facturation, la consommation, la structure tarifaire facile à comprendre et les options permettant de faire des économies. Ils veulent aussi avoir le choix de produire, d’utiliser et de vendre leur propre électricité, d’adapter de nouvelles technologies comme les véhicules électriques, d’obtenir des avis sur les pannes de courant, par exemple pourquoi l’électricité a été coupée, ce que fait le service public pour la rétablir rapidement, quand elle sera rétablie et d’aider à installer une batterie ou un générateur de secours en cas de panne.

De nos jours, les clients s’attendent implicitement à ce que les services publics protègent leurs intérêts et leurs priorités en utilisant les meilleures approches et techniques pour mener leurs activités. Ainsi, s’il existe de nouvelles technologies et méthodes éprouvées qui améliorent le rendement des actifs, réduisent les pannes, le temps de remise en état, le coût du service et améliorent la sécurité électrique et l’expérience client, ils s’attendent à ce que les services publics procèdent à des évaluations éclairées et s’adaptent là où il existe une proposition de valeur.

Les clients s’attendent également à ce que les services publics répondent à leurs attentes en constante évolution, qui sont façonnées par des entreprises comme Amazon, Google et Facebook, sur la façon dont les communications et les services aux clients doivent être personnalisés et adaptés à leurs goûts et à leurs besoins changeants. Aujourd’hui, le service à la clientèle signifie également une interaction fréquente et constructive avec le client par le biais d’une application téléphonique, d’un compte en ligne et même d’une intégration à l’aide d’appareils domestiques intelligents comme Alexa et Google Home pour gagner sa fidélité et sa confiance. Les services publics peuvent le faire parce qu’ils disposent d’une énorme source d’information provenant des données des compteurs des clients qui doivent être recueillies pour mieux connaître le comportement et les besoins individuels des clients, ainsi que les services à valeur ajoutée supplémentaires qui les intéressent. Par exemple, il est possible de savoir à partir des données du compteur quand les occupants d’un domicile s’endorment ou se réveillent, regardent la télévision, cuisinent ou passent l’aspirateur. Chaque appareil électrique dispose d’une certaine signature de charge qui permet au service public de recueillir les données du compteur intelligent pour détecter les problèmes liés aux appareils électroménagers d’une maison, qu’ils soient écoénergétiques ou non ou qu’un problème survienne avec l’appareil. Les services publics peuvent utiliser ces données et fournir à un client résidentiel des renseignements utiles pour l’aider à réduire sa facture et à détecter des problèmes éventuels : par exemple, un ventilateur d’appareil de chauffage qui consomme plus que d’habitude, car les paliers sont usés ou le compresseur du frigo surchauffe à cause du manque de lubrification adéquate du piston.

Un autre aspect du numérique auquel les services publics doivent prêter une attention particulière est le double rôle qu’ils jouent pour faciliter le virage numérique des villes et de l’industrie, comme les véhicules autonomes, la livraison au moyen de véhicules aériens sans pilote et les applications dans le domaine agrotechnologique. Les services publics possèdent des actifs très précieux répartis sur l’ensemble de notre territoire qui peuvent être utilisés pour héberger une multitude d’appareils en réseau qui devront être déployés pour être les yeux et les oreilles des villes intelligentes de haute technologie. Qu’il s’agisse de fournir des poteaux électriques ou des droits de passage pour le montage des antennes de réseau 5G qui auront une densité beaucoup plus élevée que la 4G, des détecteurs de mouvement et des caméras pour surveiller les flux de trafic, et les failles de sécurité, les stations météorologiques pour prévoir la capacité de production renouvelable, la construction et les activités agricoles ou pour utiliser le réseau en fibre pour les besoins supplémentaires en bande passante deviennent une ressource précieuse pour réaliser la vision des villes intelligentes. Pour que les services publics réalisent pleinement ce potentiel, ils doivent commencer à collaborer avec les administrations municipales et les entreprises de télécommunications sur la valeur de leurs actifs et à définir le rôle et les modalités de travail de chacun tout en élaborant des normes de conception pour les accessoires montés par des tiers sur leurs actifs. Cette démarche doit être un élément important de leur stratégie numérique à long terme.

À mesure que l’adoption de ressources énergétiques distribuées provenant de miniréseaux tels que les unités solaires, géothermiques, de stockage de batteries ou de petites unités de cogénération, les microturbines augmentent le besoin d’un système de gestion des ressources énergétiques distribuées qui permettra aux services publics de regrouper la capacité des ressources énergétiques distribuées au niveau de la distribution et de mettre cette capacité électrique sur le réseau. Les services publics de distribution exploiteront essentiellement une centrale de distribution d’électricité qui permettra aux gestionnaires de miniréseaux d’acheter et de vendre de l’électricité sur leur réseau de distribution. Cela nécessitera un système complet de gestion des données pour enregistrer les renseignements sur les différents opérateurs de miniréseaux et leurs transactions d’échange tant financier que d’électricité en kilowattheures.

Au fur et à mesure que cette vision se réalisera, les services publics deviendront propriétaires de grandes quantités de données non seulement de leurs propres actifs, mais aussi des données que les dispositifs tiers hébergés recueilleront conformément au concept des systèmes de gestion des ressources énergétiques distribuées et de villes intelligentes évoqué ci-dessus. Les services publics auront la possibilité de stocker ces données auprès des fournisseurs de stockage commerciaux ou de créer leurs propres entrepôts de données et d’offrir ce service à d’autres entités telles que les administrations locales, les universités ou les fournisseurs de soins de santé qui ont besoin d’une sécurité accrue des données exigeant que les données soient stockées localement plutôt qu’hébergées par une entité étrangère située en dehors de la région ou du pays concerné.

Aussi grande que puisse paraître cette transformation numérique, elle n’est pas possible sans la création d’une vision, d’une culture et d’une adhésion de la direction de l’entreprise, puis de l’ensemble de l’organisation, à la nécessité de la transformation, par les dirigeants de l’entreprise. Les cadres intermédiaires peuvent l’initier au sein de leurs équipes en leur demandant d’innover en cherchant de meilleures façons d’accomplir les tâches de routine au quotidien, en apportant de petites améliorations progressives pour tester le concept avant de l’appliquer à grande échelle. Les services publics ont toujours travaillé en silo, ce qui permet de concentrer les ministères et les équipes sur des objectifs et des activités spécifiques. Les silos doivent être ouverts pour permettre aux groupes de collaborer et de discuter de la proposition de valeur des possibilités potentielles. Les dirigeants dans le domaine des services publics devront faire appel à de nouveaux talents, parmi la génération des milléniaux, pour se mêler aux employés qualifiés de niveaux intermédiaire et supérieur. La nouvelle génération est habituée aux technologies numériques et aux nouvelles façons de faire les choses auxquelles la génération X et les baby-boomers ne sont pas habitués.

Il ne s’agit là que de quelques exemples de l’utilisation du numérique visant à mettre les dirigeants de l’entreprise dans le bon état d’esprit quant à ce qui est possible et à l’endroit où commencer à sonder le terrain au moment d’élaborer une stratégie numérique pour leur entreprise. Les technologies et les approches axées sur les données, comme l’apprentissage automatique et l’analyse, évoluent rapidement et leurs applications sont presque illimitées. Les services publics canadiens sont particulièrement bien placés pour profiter grandement d’une stratégie numérique puisqu’ils disposent d’un plus grand réseau d’actifs par rapport au nombre de clients en raison de leur vaste taille et de leur faible densité de population comparativement à leurs homologues américains, européens et asiatiques. Dans les prochains blogues, nous discuterons des applications propres au numérique avec des cas d’utilisation plus précis allant de l’exploitation, de la gestion des actifs, de la planification à l’exécution de projets et à la construction afin d’aider les dirigeants des services publics à comprendre la proposition de valeur du développement d’une stratégie numérique pour leur organisation.

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