Importance du transport d’électricité

Le transport d’électricité sera au cœur du réseau électrique carboneutre de demain.

Aperçu

Le réseau électrique, souvent considéré comme la plus grande machine de la planète, transportait initialement l’électricité dans une seule direction. Les câbles à haute tension – l’épine dorsale de ce réseau – ont permis des économies d’échelle au chapitre de la production en rendant possible le transport de l’électricité sur de grandes distances, depuis les énormes centrales jusqu’au consommateur. Des transformateurs de puissance réduisent ensuite la tension pour que l’électricité puisse être enfin acheminée en toute sécurité, dans des câbles de distribution plus petits, aux résidences et aux entreprises. Le Canada compte actuellement plus de 166 000 kilomètres de lignes de transport à haute tension, ce qui représente quatre fois la circonférence de la Terre!

Un élément central des activités des compagnies d’électricité consiste à s’assurer que cette énorme machine demeure fonctionnelle, ce qui inclut le remplacement périodique de poteaux, de câbles et d’autres composants essentiels qui avancent en âge. Ces entreprises doivent aussi constamment surveiller et éliminer toute source potentielle d’interférence avec cette machine, par exemple en élaguant les arbres et en supprimant d’autres végétaux.

Au fil de son évolution, le réseau de transport a également joué un rôle important en reliant non seulement les producteurs et les consommateurs d’électricité, mais aussi les provinces et territoires entre eux et avec nos voisins américains. Signalons que Ressources naturelles Canada (RNCan) comptabilise 34 principales lignes de transport internationales actives reliant le Canada et les États-Unis. Ces lignes procurent une multitude d’avantages techniques, environnementaux et autres en rendant possible le transfert d’électricité entre nos deux pays.

Le réseau de transport d’électricité joue encore une fois un rôle encore plus grand. Nos réseaux évoluent pour laisser plus de place aux panneaux solaires, aux éoliennes et au stockage dans des batteries. La capacité de se transférer l’électricité entre les régions gagnera donc en importance. Par exemple, certaines des meilleures ressources solaires et éoliennes au Canada sont situées fort loin de leurs lieux d’utilisation, ce qui exige le recours à un réseau qui peut transporter jusqu’au consommateur l’électricité produite. De même, en raison de la variabilité des conditions d’ensoleillement et de vent, il peut être difficile de prévoir la quantité d’énergie solaire et éolienne que l’on pourra produire puis stocker dans des batteries. Lorsque ces sources ne peuvent répondre à la demande, il est parfois indispensable d’importer de l’énergie de régions voisines. À l’inverse, lorsque la production solaire ou éolienne est plus élevée que nécessaire, on peut l’exporter vers d’autres régions ayant besoin d’aide pour répondre à leurs besoins énergétiques. Enfin, le réseau de transport jouera également un rôle important en assurant une connexion continue entre nos sources d’électricité classiques et émergentes – comme les petits réacteurs modulaires – au réseau continental. Ainsi, sachant qu’elles auront la possibilité d’exporter au besoin du courant d’appoint de façon fiable grâce à ces lignes de transport, de nombreuses administrations pourront investir davantage dans la production d’énergie solaire ou éolienne et d’autres sources renouvelables.

Un peu d’histoire

Créés à la fin des années 1800, les premiers réseaux électriques de la planète transportaient principalement de l’électricité sur de courtes distances afin d’alimenter un nombre limité de technologies dans les grands centres urbains. À titre d’exemple, peu de temps après avoir inventé la première ampoule fonctionnelle en 1879, Thomas Edison s’est attelé à la création du futur réseau électrique dont on aurait besoin pour alimenter son invention. En 1882, il a aménagé dans le centre financier de New York la première centrale à vapeur au monde, qui produisait du courant continu. À l’époque, l’électricité était principalement destinée aux entreprises et autres commerçants qui souhaitaient s’éclairer pour attirer les clients.

Certains de ces premiers réseaux électriques ont vu le jour plus près de chez nous. Par exemple, en 1881, la Niagara Falls Hydraulic Power and Manufacturing Company a aménagé une petite centrale hydroélectrique pour alimenter le village de Niagara Falls et les usines situées du côté américain de la frontière.1 Plus tard, en 1895, la centrale Sir Adam Beck 1, première centrale au monde produisant du courant alternatif à grande échelle, a été construite dans la même région avec la contribution de pionniers de l’électricité, entre autres George Westinghouse et Nikoli Tesla.2 Pour la plupart des observateurs, cette étape marque le début de l’exploitation des réseaux modernes puisque le courant alternatif a permis le transport d’électricité sur des distances beaucoup plus grandes que dans le cas du courant continu, tout en réduisant grandement les pertes de ligne. Le courant alternatif a également permis un recours accru à des ressources énergétiques plus éloignées des zones de consommation (comme l’hydroélectricité). La mise au point de transformateurs abaisseurs à proximité des centres urbains a également rendu plus sûrs les réseaux à courant alternatif. La sécurité constituait alors le plus grand point de discorde pour les partisans du courant continu (comme Edison!).3 De nos jours, la région est devenue une importante source d’électricité pour l’Ontario et l’État de New York. De fait, Ontario Power Generation (OPG), membre de l’ACE, est le propriétaire-exploitant des centrales Sir Adam Beck, qui ont une puissance de 2 123 mégawatts. De quoi alimenter plus d’un million de foyers chaque année!4

Au tournant du siècle, de plus en plus d’électroménagers et de moteurs faisaient appel à l’énergie électrique pour fonctionner. Ne se limitant plus aux besoins en éclairage, la demande en électricité a alors augmenté, en particulier pour alimenter les tramways et les activités industrielles.5 À cette époque, bien des compagnies d’électricité du Canada étaient de petites entreprises privées, dont bon nombre ont déclaré faillite.6 Au début des années 1900, à mesure que la consommation d’électricité augmentait, les centrales hydroélectriques se sont multipliées. Un peu partout au pays, quelques grands projets ont été lancés dans des emplacements prometteurs, plus éloignés qu’auparavant des centres urbains, alimentés par l’entremise des réseaux de transport et de distribution de courant alternatif.

Dans les premières décennies du XXe siècle, le Canada a vu émerger de grands projets de production électrique – surtout hydroélectrique –, en particulier dans l’Ouest du pays, où la croissance économique et démographique rapide se traduisait par une augmentation de la demande en électricité. Par exemple, le premier grand projet hydroélectrique de l’Alberta, commandé par Calgary Power (maintenant membre de l’ACE sous le nom de TransAlta), a été achevé en 1911.7 Par ailleurs, la première centrale hydroélectrique des basses-terres continentales de la Colombie-Britannique, mise en service à Buntzen Lake en 1903, était raccordée à une ligne de transport de 27 kilomètres allant jusqu’à Vancouver.8

On a observé, au début des années 1900, un fort mouvement de transfert de la propriété des compagnies d’électricité privées – en particulier de leurs réseaux de distribution – aux administrations municipales. L’un des événements les plus marquants à cet égard a été l’adoption, le 14 mai 1906, d’une loi ontarienne constituant la Commission hydroélectrique de l’Ontario (qui deviendrait plus tard Hydro One). L’investissement dans la production était laissé à des parties privées, tandis que la loi conférait à Ontario Hydro la responsabilité du réseau de transport d’électricité dans la province et aux administrations municipales celle des réseaux de distribution. Des modèles similaires ont vu le jour partout au pays, préparant ainsi le terrain pour la création de notre réseau moderne. On peut citer à titre d’exemple le transfert, en 1905, de l’entreprise privée Ottawa Light, Heat and Power Company à l’administration municipale. Plus tard, cette entreprise deviendra Hydro Ottawa et s’associera à la Commission hydroélectrique de l’Ontario pour raccorder ses installations au nouveau réseau électrique ontarien.9

C’est après la Seconde Guerre mondiale que notre réseau moderne a véritablement vu le jour. Comme l’économie canadienne était alors en plein essor, la demande en électricité augmentait sans cesse. Dans de nombreuses régions du Canada, la capacité d’investissement insuffisante (en particulier dans les milieux ruraux et les petites villes) et les opinions négatives à l’endroit des compagnies d’électricité en place ont stimulé les investissements publics dans le secteur de l’électricité d’un bout à l’autre du pays. Par exemple, la Régie de l’hydro-électricité du Manitoba, précurseur de Manitoba Hydro, est née de la fusion d’autres sociétés mues par la conviction que cette union constituait le meilleur modèle pour fournir l’électricité au public.10

Cependant, la propriété publique du réseau électrique n’était pas la solution dans toutes les régions du Canada. À l’issue d’un plébiscite tenu en 1948 en Alberta, le transfert proposé des services d’électricité au secteur public a été rejeté par une marge extrêmement étroite : le « non » l’a emporté par 151 voix sur 279 831.11 Ce rejet était d’autant plus problématique que moins de 4 % des fermes albertaines avaient accès à l’électricité en 1945. Les agriculteurs albertains ont plutôt décidé de former des coopératives (également connues sous le nom d’« associations d’électrification rurale ») dans leurs districts pour financer ensemble l’infrastructure de distribution d’électricité. Le gouvernement provincial fournissait le reste de l’argent sous forme de prêts. Ces associations étaient propriétaires de l’infrastructure de distribution, tandis que les compagnies d’électricité de l’Alberta produisaient l’électricité et s’occupaient des travaux d’entretien. Ce modèle a connu un grand succès : 87 % des régions rurales de la province avaient accès à l’électricité en 1961. Ailleurs en Alberta, il demeure toujours possible à ce jour de faire le choix de consommer de l’électricité fournie par le secteur privé. Le gouvernement provincial n’a jamais possédé ni exploité une entreprise de services publics.12

Quelle que soit la voie choisie pour le transfert de propriété et les investissements, le réseau électrique canadien a essentiellement évolué, pendant la majeure partie du demi-siècle suivant, selon ce modèle simple d’infrastructure centralisée. Cela signifie que les grands producteurs d’électricité, en tant qu’utilisateurs des réseaux de transport et de distribution, étaient mieux en mesure d’acheminer l’électricité de la façon la plus efficace et la plus rentable aux consommateurs.

Messages clés et données à l’appui

  • « Pour atteindre des réductions d’émissions de carbone à moindre coût, une plus grande coordination interprovinciale et internationale [portant] sur le développement des réseaux de transport est essentielle.13 » – Ressources naturelles Canada
  • « L’électrification et la contribution de l’énergie renouvelable accrues ont entraîné de plus grands avantages en transport d’électricité puisque le transport améliore l’adéquation des ressources dans des conditions normales et lors d’événements extrêmes dans ces scénarios.14 » – Ressources naturelles Canada
  • L’expansion du transport d’électricité à l’échelle internationale se traduira par une augmentation de l’ordre de 10 à 30 milliards de dollars (dollars US de 2018) de la valeur nette du réseau continental entre 2020 et 205015 – Rapport canadien sur l’Étude nord-américaine sur l’intégration des énergies renouvelables (NARIS)
  • La coopération interrégionale et internationale peut procurer des avantages nets importants pour le réseau jusqu’en 2050. – Rapport NARIS
  • La souplesse opérationnelle découle du transport d’électricité, du stockage d’énergie et de l’exploitation adaptée de tous les types d’installations de production. – Rapport NARIS

Références

1Niagara Falls/Niagara Power, Université Brock.

2 Il est possible de visiter ces lieux encore aujourd’hui sur Google Maps.

3The “Current Wars”, Electricity & Alternative Energy, Alberta Culture and Tourism.

4Southern Ontario – Niagara Region, Ontario Power Generation.

5Emergence of Electrical Utilities in America, National Museum of American History.

6 D’après les sources suivantes : 1930-1944 – La marche vers l’étatisation, Hydro Québec; Au service d’Ottawa depuis 2019, Hydro Ottawa; Rural Electrification in Alberta, Electricity & Alternative Energy, Alberta Culture and Tourism; 1929-1945 – The Hungry Thirties & Years of Heartbreak, Years of Joy, Power Pioneers.

7Horseshoe Dam Hydroelectric Plant, Electricity & Alternative Energy, Alberta Culture and Tourism

8Buntzen Lake

9Au service d’Ottawa depuis 2019, Hydro Ottawa

10A History of Electric Power in Manitoba, Manitoba Hydro

11Rural Electrification in Alberta, Electricity & Alternative Energy, Alberta Culture and Tourism

12Guide to understanding Alberta’s electricity market, Alberta Electric System Operator

13Rapport canadien sur l’Étude nord-américaine sur l’intégration des énergies renouvelables (NARIS) : Résumé à l’intention des responsables des politiques, Ressources naturelles Canada

14 Ibid

15 Ibid