2 juillet 2024 / Par Current Affairs
Électricité Canada publie un nouveau rapport intitulé Toujours branchée
Ce n’est un secret pour personne que le réseau électrique canadien subit de grands changements, plus rapidement que jamais. La nouvelle publication d’Électricité Canada intitulée L’électricité au Canada : toujours branchée, traite de la nouvelle définition de la fiabilité et de son incidence sur la transition énergétique, de l’électrification au vieillissement de l’infrastructure. Joe McKinnon, gestionnaire, Réglementation économique et normes, à Électricité Canada, s’entretient avec Affaires courantes à ce sujet.
Pourquoi la fiabilité est-elle si importante?
La fiabilité est l’un des éléments de ce que nous appelons le « trilemme énergétique ». Nous visons un réseau décarboné et agrandi pour atteindre nos objectifs de zéro émission. Nous devons donc réfléchir à la manière de parvenir à la fiabilité, à l’abordabilité et à la durabilité, c’est-à-dire au trilemme.
Ces dernières années, c’est la durabilité qui est devenue le mot le plus à la mode dans ce trilemme, en ce qui concerne les politiques qui se répercutent sur le secteur de l’électricité. Cependant, les fournisseurs d’électricité n’ont pas oublié l’importance de la fiabilité. Il s’agit d’une question urgente qui est systématiquement intégrée dans la modélisation et la planification des investissements des fournisseurs de services. Mais les priorités des services publics, des organismes de réglementation et des responsables des politiques ne correspondent pas. Cette situation, ainsi que l’évolution rapide du paysage énergétique, a conduit à reléguer la fiabilité au second plan. En fin de compte, tout le monde doit comprendre que la priorité fondamentale des fournisseurs d’électricité est de veiller à ce que l’électricité soit « toujours branchée »!
Qui a participé à la production de ce rapport et pourquoi?
Tom Chapmen et Kathleen Spees, Ph. D., du groupe Brattle, ont rédigé le rapport en s’appuyant sur des recherches primaires menées auprès de nos membres. Le contenu est le fruit de l’expertise industrielle du réseau d’Électricité Canada. Grâce aux connaissances pratiques de nos membres, les auteurs du groupe Brattle ont été en mesure d’amener des concepts théoriques à un niveau pratique.
De quoi les services publics ont-ils le plus besoin de la part des organismes de réglementation pour que le réseau soit prêt pour la carboneutralité?
La carboneutralité est un défi énorme. Des politiques propulsent ce changement massif de notre économie, qui modifie considérablement le paysage énergétique. Le secteur de l’électricité doit faire preuve d’une grande capacité d’investissement et d’innovation, mais des cadres réglementaires dépassés et rigides ne facilitent pas le changement au rythme requis.
Les organismes de réglementation du pays doivent offrir aux entreprises de services publics une plus grande flexibilité lorsqu’il s’agit de soumettre et de concevoir leurs tarifs. De plus, ils doivent en venir à comprendre ce qui devrait être considéré comme un investissement raisonnable pour le recouvrement des coûts par le biais de la base tarifaire. Si les principes qui sous-tendent la conception des tarifs au Canada sont encore pertinents, les interprétations de ces principes peuvent ne plus l’être.
Pour investir dans les énergies propres, il faut aussi souvent investir davantage dans la fiabilité, au-delà du coût de la capacité de remplacement habituelle. Il faut donc que les périodes d’application soient flexibles afin que les services publics puissent gérer l’évolution des tendances dans l’offre et la demande. Nous avons également besoin de plans de revenus pluriannuels avant-gardistes et assortis de mécanismes de partage des profits et des pertes. Ainsi, les entreprises de services publics pourraient mieux gérer les risques considérables que comportent les investissements qu’exigent les besoins futurs.
Outre la flexibilité, nous avons besoin de clarté. Les organismes de réglementation doivent fournir des orientations claires aux entreprises de services publics qui souhaitent investir dans la modernisation du réseau et acquérir des capacités d’exploitation de systèmes distribués.
Quelles sont les principales recommandations formulées dans le rapport Toujours branchée?
Toujours branchée démontre l’importance d’accorder la priorité à la fiabilité dans la planification de notre avenir énergétique.
Voici quelques-unes des principales conclusions :
- Nous avons besoin d’une plus grande coordination entre les services publics, les responsables des politiques et les organismes de réglementation pour définir une orientation stratégique qui optimise le modèle d’affaires des services publics. Il faut renforcer la participation de l’industrie à la planification et à la mise en œuvre des politiques. Il doit aussi y avoir des possibilités d’accroître la planification régionale. La mobilisation précoce et active du secteur pour l’élaboration des politiques permet non seulement d’orienter les politiques et les objectifs de planification vers des cibles réalisables, mais aussi de réduire un fardeau réglementaire inefficace.
- Nous devons répondre aux besoins énergétiques à toutes les heures, et pas seulement aux heures de pointe. Afin de déterminer les besoins en ressources adéquates, de nouvelles évaluations seront nécessaires pour s’assurer que toutes les perturbations potentielles du réseau sont prises en compte.
- Les organismes de réglementation doivent mettre au point des mécanismes de financement plus souples qui permettent aux entreprises de services publics de faire approuver et de recouvrer les coûts engagés prudemment pour la transition vers la carboneutralité.
- Les organismes de réglementation et les entreprises de services publics doivent atténuer de manière proactive les risques que posent les conditions météorologiques extrêmes en facilitant les investissements de renforcement du réseau. Ces investissements doivent être basés sur des projections à long terme, plutôt que sur des événements historiques.
- Un financement ciblé est nécessaire pour répondre aux contraintes financières des services publics, faciliter les investissements dans les infrastructures et soutenir les économies provinciales les plus touchées. Récemment, les cadres de financement actuels, qui incitent fortement à l’efficacité et à l’utilisation maximale des actifs, ont empêché des services publics d’obtenir les capitaux nécessaires aux investissements pour la fiabilité à long terme. Un financement public ciblé peut combler ce manque de capitaux.
Par où commencer?
Les organismes de réglementation et les responsables des politiques doivent offrir davantage de possibilités d’innovation, d’expérimentation et de flexibilité dans la réglementation. Pour ce faire, ils peuvent mettre en place des groupes de travail sur la réglementation et des « laboratoires » d’innovation afin de coordonner les préférences, la réglementation et les besoins des services publics en matière de politiques.
Dans tous les territoires et provinces, les organismes de réglementation et les responsables des politiques devraient établir des cadres tarifaires qui reconnaissent que les investissements en matière pour la fiabilité sont « utilisés et utiles », ce qui permet aux entreprises de services publics de recouvrer plus facilement leurs coûts.
Un financement ciblé de la part des gouvernements doit être mis à la disposition des services publics, étant donné les contraintes financières qui nuisent aux investissements pour la carboneutralité. Un réseau plus vaste et décarboné, favorisé par des politiques gouvernementales, doit être soutenu par de nombreuses mesures incitatives gouvernementales.