2 mai 2022 / Par Alex Kent, Regulatory Affairs & Grid Infrastructure Manager

Le chauffage électrique résidentiel zéro carbone abordable bientôt à nos portes

En novembre 2021, j’ai entendu un son que n'importe quelle personne vivant au Canada ne pourrait que redouter. La première vague de froid de l’année se dressait, et ma chaudière, qui avait déjà près de 20 ans, m’avisait par ses cliquetis et vibrations qu’elle allait faillir à sa tâche. L’expert en la matière a confirmé mon analyse initiale; ma chaudière, qui avait admirablement surpassé son espérance de vie de cinq ans, devait être remplacée.

C’était donc le temps de la chasse au système de chauffage résidentiel. Je partage avec vous qu’un des microcosmes de l’épineux problème de décarbonisation canadienne auquel plusieurs gens se butent : comment puis-je décarboniser de façon abordable lorsqu’il fait si froid ici?

Cet article portera sur les maisons unifamiliales ontariennes, mais certains des renseignements peuvent s’appliquer à d’autres immeubles. Un ou une propriétaire de maison au Canada a quatre options de chauffage[1] : le gaz naturel (ou les chaudières au propane); le chauffage à résistance électrique (chaudière électrique à air chaud ou plinthes chauffantes); la thermopompe à l’air; et la thermopompe utilisant le sol comme source de chaleur.

Les générateurs d’air chaud à gaz naturel sont bon marché tant sur le plan de l’équipement que du combustible. Si nous effectuons une comparaison nette des dépenses, nous remarquons que le taux actuel du gaz naturel en Ontario est de 1,375 cent par kilowattheure[2] et que celui de l’électricité est de 11,3 cents par kilowattheure[3]. De plus, l’électricité ne perd pas tout simplement le concours de l’abordabilité, car les thermopompes peuvent utiliser l’énergie électrique pour chauffer des locaux de deux à quatre fois plus efficacement[4] que la combustion directe de gaz naturel. Le chauffage thermodynamique, quant à lui, n’utilise pas l’électricité pour créer de la chaleur. Il l’utilise plutôt pour déplacer la chaleur d’un endroit à un autre. Le fonctionnement d’une thermopompe est semblable à celui d’un climatiseur d’air qui fonctionne dans les deux sens. Grâce à la magie de la réfrigération moderne, une thermopompe peut rafraîchir les locaux en poussant la chaleur à l’extérieur, ou les réchauffer en tirant la chaleur à l’intérieur. L’inconvénient d’une thermopompe c’est leur perte d’efficacité par temps froids. En effet, une thermopompe pour domicile cessera de fonctionner efficacement entre -5 °C et -20 °C... et nous savons qu’au Canada, les températures sont bien plus frigides que cela. Les thermopompes utilisant le sol comme source de chaleur peuvent contourner ce problème de température, car la terre est utilisée comme matériau isolant. Toutefois, la section souterraine d’une thermopompe utilisant le sol comme source de chaleur peut coûter des dizaines de milliers de dollars à construire, sans tenir compte du fait qu’elle ne pourrait ne pas être installée en raison de contraintes d’espace, comme une conduite d’eau maîtresse ou un égout collecteur, ou la démolition du garage ou la coupe de magnifiques arbres pour utiliser l’équipement dans la cour arrière... toutes ces options s’appliquaient dans ma situation.

Alors, que fait une personne qui veut décarboniser le chauffage de son domicile? Eh bien, pas beaucoup, à moins de vouloir vider ses poches. Les entreprises me proposaient environ 5 000 $ pour un nouveau générateur d’air chaud à gaz naturel à rendement élevé et 20 000 $ pour une thermopompe de dimension appropriée et un générateur électrique auxiliaire d'air chaud, une source de chaleur nécessaire si les températures chutent en deçà des températures de fonctionnement de la thermopompe[5]. Plus encore, cette somme de 20 000 $ ne comprenait même pas la mise à jour nécessaire du panneau électrique, qui devait passer de 100 A à 200 A, et les entreprises me proposaient de 3 000 $ à 5 000 $ pour effectuer cette tâche.

Qu’est-ce que cela veut dire pour un ou une propriétaire de maison, surtout si les deux systèmes – le générateur d’air chaud à gaz naturel et la thermopompe de dimension appropriée utilisée conjointement avec un générateur électrique auxiliaire – ont une espérance de vie de 15 ans? Le coût total lié à la possession d'un système électrique devrait être environ 20 000 $ moins cher, soit de 1 333 $ par année (ou 111 $ par mois), montant équivalent au système de chauffage au gaz naturel. Étant donné que le gaz naturel est un combustible moins cher que l’électricité et que l’équipement électrique est plus dispendieux, il n’est pas encore viable économiquement de passer à autre chose qu’un système de chauffage purement électrique, bien que l'atteinte de ce but demeure tout proche.

Je dis « tout proche », car une différence de 111 $ par mois, c’est décevant. La majeure partie des frais d’une facture de chauffage domiciliaire est liée à au raccord et à la livraison, et non au combustible lui-même[6]. En enlevant ces frais, ce raccord de combustible, les économies nécessaires dépendent entièrement du combustible. Dans cet avenir théorique, ma consommation d’électricité serait un peu plus que le double de ce qu’elle est aujourd’hui, mais elle ne doublerait pas ma facture, car les frais de raccord sont déjà payés. Enlever le raccord de combustible veut aussi dire remplacer le réservoir à eau chaude au gaz naturel par un réservoir électrique, qui est en moyenne beaucoup moins cher que son homologue émetteur de carbone. De façon intéressante, le prix actuel du carbone est de 50 $ la tonne.

Depuis 2018, un Canadien moyen ou une Canadienne moyenne génère 4,1 tonnes de gaz à effets de serre (GES)[7] par année, et chaque domicile canadien compte en moyenne 2,47 personnes[8]. Cela veut dire qu’un domicile canadien moyen émet actuellement environ 10,13 tonnes de carbone par année - ces ménages payent actuellement 50 $ la tonne, et payeront une somme exorbitante allant jusqu’à 170 $ la tonne d’ici 2030. D’ici là, un ménage canadien moyen payera 1 722 $ par année en taxe sur les émissions carboniques, ce qui deviendra un problème à moins que nous trouvions des moyens d’éviter ces factures salées.

Qu’arriverait-il si le gouvernement – pour diminuer les taxes sur le carbone des ménages – payait pour l’électrification des systèmes domiciliaires aujourd’hui et recouvrait ses frais par l’entremise de la taxe de carbone au cours des 15 prochaines années? Les calculs que je propose pour ce genre de système fonctionnent. Comme les émissions annuelles moyennes d’un ménage sont de 4,1 tonnes, les émissions de GES annuelles moyennes par personne sont de 19,4 tonnes[9]. Cela veut dire qu’avec une taxe de carbone expansive, les émissions des ménages – entièrement produite par le chauffage de ceux-ci – constituent moins de 25 % des émissions canadiennes. Le Canada percevra plus de droits liés à la taxe de carbone qu’il n’en percevrait s’il payait pour l’électrification des systèmes de chauffage. Cette analyse n’aborde pas la myriade d’avantages liés aux investissements durables et importants dans l’économie locale.

En d’autres mots, qu’arriverait-il si le gouvernement payait les propriétaires de domicile (et les propriétaires d’immeubles vivant dans des tours d’habitation) pour ne pas brûler les combustibles fossiles? Eh bien, cela accélérera rapidement l’électrification des systèmes de chauffage des domiciles, et permettrait aux gens de contribuer aux objectifs canadiens d’élimination complète des émissions, de protéger l’environnement et d’éviter une facture fiscale punitive.

Le gouvernement du Canada agit déjà de façon similaire pour sa subvention actuelle pour des maisons plus vertes[10], mais le programme est malheureusement trop petit et défini pour atteindre convenablement les objectifs de décarbonisation. Le programme actuel, plafonné à 5 000 $ pour de l‘équipement et l‘installation de celui-ci, ne comprend pas les mises à jour du panneau électrique, chose qui est particulièrement flagrante, car une telle mise à jour permettrait non seulement de chauffer à l’électricité, mais aussi de recharger un véhicule électrique. En ce moment, mon panneau d’électricité ne me permet pas de recharger un véhicule électrique, car il n’est pas assez récent. Lorsqu’un ménage chauffe à l’électricité et qu’il possède un véhicule électrique, il élimine virtuellement toutes ses émissions de GES[11].

Si le gouvernement du Canada augmentait le montant payable par l’entremise du Fonds pour des maisons plus vertes ou des programmes semblables à 25 000 $ et qu’il élargissait la portée du programme de sorte qu’il comprenne la mise à jour des panneaux électrique (passant de 100 A à 200 A), une décarbonisation d’envergure se ferait rapidement. Les ménages seront remboursés au fil du temps par l’entremise de la taxe de carbone actuelle même si cette dépense de 25 000 $ par domicile est importante. Il s'agit d'une dépense unique d’envergure qui a les moyens prédéfinis de redonner aux ménages. De plus, dans le cadre d’une électrification prioritaire des systèmes de chauffage des domiciles, l’argent que les consommateurs et consommatrices dépensent en combustibles carbonés serait remis aux producteurs d’électricité qui permettent à ces compagnies d’équiper leur flotte sans émission de carbone nette au pays.

Si le gouvernement cherche une façon de permettre aux Canadiens et Canadiennes d’accélérer le processus de décarbonisation en appuyant ceux et celles qui veulent contribuer à la réduction des GES, mais qui sont incapables de le faire en raison de frais de départs élevés, il devrait nettement améliorer le programme pour des maisons plus vertes.


[1] En fait, il y a six options possibles si nous y incluons le bois et le diésel (huile), mais aucune des ces options ne figure dans cet article, car ces méthodes de chauffages sont très dispendieuses et créent des émissions de carbone.

[2] Ce chiffre est calculé comme suit, en fonction des coûts actuels associés au gaz naturel en Ontario, fixé à 14,52 cents par mètre cube : (14,52 cents/m3) * (1 m3 / 0,038 GJ) * (1 GJ / 277,778 kWh) = 1,375 cent par kilowattheure

[3] La tarification ontarienne en période médiane utilisée pour cette analyse est de 11,3 cents/kWh. Source : https://www.oeb.ca/sites/default/files/tou-chart_fr.pdf?v=20211026, consulté le 25 janvier 2022.

[4] Source : Ressources naturelles Canada. https://www.rncan.gc.ca/efficacite-energetique/energy-star-canada/propos-denergy-star-canada/annonces-relatives-au-programme-energy-star/publications/le-chauffage-et-le-refroidissement-laide-dune-thermopompe/6818, consulté le 23 mars 2022. Comme le coefficient de performance dépend de la température ambiante, nous avons effectué le calcul en divisant le coefficient de performance de la saison de chauffage de Ressources naturelles Canada (7,1-13,4) par 3,41 BTU/Wattheures pour obtenir une estimation du coefficient de performance de la saison de chauffage.

[5] Le générateur électrique auxiliaire constitue une bonne partie des coûts, car il doit être de taille appropriée pour chauffer le domicile pendant les journées les plus froides et lorsque la thermopompe est hors ligne.

[6] Une facture type de mon fournisseur de gaz naturel est ventilée comme suit : 33 % du montant est attribué aux coûts du carburant alors que le 66 % restants sont attribués aux frais de livraison et de services à la clientèle.

[7] Source : https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/210326/dq210326d-fra.htm, consulté le 25 janvier 2022. La figure comprend les achats de carburant pour le chauffage d’un ménage et pour les véhicules.

[8] Source : https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/62f0026m/2017002/app-ann-g-fra.htm, consulté le 25 janvier 2022

[9] Source : Figure ES-4. https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/changements-climatiques/emissions-gaz-effet-serre/sources-puits-sommaire-2021.html, consulté le 25 janvier 2022

[10] Source : https://www.rncan.gc.ca/efficacite-energetique/maisons/subvention-canadienne-pour-des-maisons-plus-vertes/23445, consulté le 25 janvier 2022

[11] En raison du calcul des émissions, les économies seraient supérieures aux émissions moyennes des ménages, car les émissions de combustible seraient transférées au ménage lors de la recharge d’un véhicule électrique.

Partager